Les Marquises
Mardi 21 Juin
Ébouriffante cette navigation... De Vaitahu à Hapatoni... 2 milles éreintants, au moteur, à 100 mètres de la falaise...
Avant de partir, afin de s'armer devant cette épreuve, ce fut au tour de Soizic de faire sa crise d'adolescente. Sous les mains expertes du même tatoueur que Matthieu il y a 6 ans, c'est sous le pied que Soizic s'est fait tatouer une belle tortue marquisienne, ornée du même tiki que le mollet de Matthieu. Une vraie communion dans le Mana ! Avant le tatouage, Soizic était confiante "j'ai accouché sans péridurale, alors un petit tatouage, pfuuuu". Vous verrez d'ici peu le film des premiers picotis du tatoueur...
Il est assez affligeant de voir le manque de retenue que peut afficher une femme face à la douleur... aucune décence !
Nous sommes donc arrivés à Hapatoni, escale heureuse d'il y a 6 ans. Nous n'y restons malheureusement que 48 heures, rendez-vous aux Tuamotu oblige. Grand bonheur de retrouver des rencontres de l'époque, qui se souviennent de notre projection ciné, et de notre balade acrobatique dans la montagne. Du coup, nous avons refait une projection ce soir. Super de voir le public rire aux éclats devant les pitreries de Robin Williams dans "Camping Car". Ils retombent tous en enfance.
Demain, départ pour Tikehau, aux Tuamotu, ou nous retrouverons nos amis Florent et Sabine, voisins de ponton durant 3 ans à Tahiti, qui nous rejoignent avec leur catamaran, et leurs 2 enfants. 600 milles à ajouter au compteur, sans doute 4 jours de navigation... sans grand voile !
Dimanche 19 Juin
Les Marquises... C'est vraiment difficile à expliquer...Imaginez un gitan croate qui débarque dans un petit village savoyard (je dis savoyard, mais je pourrais dire breton, bérichon ou ch'ti). Pensez-vous que ce brave gars :
- a. se fera casser la gueule dans l'heure qui suit ?
- b.se fera convoquer à la gendarmerie dans les 24 heures ?
- c. se fera offrir 3 tommes entières, une balade en raquette, et un diner tartiflette pour le lendemain soir ?
Hé bein les marquises, c'est le c.
Vendredi, nous sommes retournés voir Fati, le tatoueur de Matthieu, qui nous a invité à déjeuner Dimanche, après la communion solennelle de son fils. Nous sommes également repartis couverts de citron et de pamplemousses. Il nous a suffit de nous promener dans les rues du village le Samedi pour se voir offrir des bananes, et surtout des sourires. Quand à aujourd'hui Dimanche, nous avons organisé une projection de cinéma le soir, après le bingo des mamas. Les jeunes étaient trop soûls (le Dimanche, ça picole sec), et nous avons surtout eu un public de vahinés. Le maire a tenu à nous aider à tout ranger, et surtout, ne veut pas qu'on reparte "sans quelques sacs de pamplemousse, mangues et bananes...
Ah non, décidément, en France, on aurait 2 ou 3 petits conseils à prendre ici sur l'accueil de l'étranger.
Vendredi 17 Juin
Nous revoilà à Vaitahu, 6 ans après. C'est dans ce petit village que Matthieu s'est fait tatouer. Nous sommes retournés voir Fati, le tatoueur, et, magie Marquisienne, nous voilà invité au grand repas de famille de Dimanche, organisé pour la communion de son fils, et bien sûr, on repart avec un gros sac de citrons ! Le village n'a pas changé, si ce n'est la mairie toute neuve (les finances municipales proviennent directement de la France), et le club de pétanque de Tahuata qui a été dissous suite à une grosse bagarre ! Mais l'association de bingo poursuit ses activités, réunissant toutes les femmes du village le Dimanche après midi. C'est d'ailleurs après ce bingo dominical que nous avons programmé une séance de cinéma en plein air, en espérant que tout le village viendra ! Un beau week-end en perspective.
Jeudi 16 Juin
3 jours dans ce petit paradis qu'est la baie Iva-iva, à Tahuata, nous ont bien requinqué. Eau cristaline, baignade pour les petits, mer calme, et paysage somptueux. C'est aussi l'occasion de monter dans le mât réparer le rail à l'epoxy chargée à l'aluminium. On verra si ça tient.Mais après 3 jours, il nous faut revenir sur Hiva Oa, ou nous attendent des pièces envoyés par des copains depuis Tahiti.Donc nous y revoilà depuis hier. Nous avons effectivement récupéré les pièces, et sommes prêts à partir maintenant. Un gros plein d'eau au quai, le plein d'essence, et on repart pour... Tahuata.
Dimanche 12 Juin
Ras le bol d'Atuona... La houle de Sud s'est fortement levée depuis hier, rendant le mouillage assez pénible. C'est un mouillage ou l'ancre arrière est obligatoire, pour rester face à la houle justement, et elles n'arrêtent pas de se coincer dans des gros blocs de pierre+grillage+tissu +bouts+chaîne, mouillés il y a quelques années pour réguler l'envasement de la baie, et mis en vrac depuis par les tsunamis successifs (la baie s'est vidée entièrement à chaque tsunami), infernal.
Hier, en remontant notre ancre avant, on a remonté un énorme paquet de ce merdier. Heureusement que nos amis du mouillage nous ont filé un coup de main pour taillader ça sur la chaîne.Sachant que les pièces que nous attendons n'arriveront pas avant mercredi, on a mis les voiles (enfin la voile, car la grand voile reste en bas, faute de chariot) sur Tahuata, à 10 miles de là, pour mouiller dans une superbe petite baie, plage de sable blanc, cocotier sur fond de vallée arborée, soleil couchant qui enflamme le tout...
Et les copains de Galilea et Kappa qui ont pris la même décision, et se joignent à nous au mouillage, parfait. Du coup, les enfants se sont éclatés sur la plage ce soir, ça fait du bien de se remettre à l'eau !
Vendredi 10 Juin
Les jours filent, et on s'enlise... Il y a pire endroit pour s'enliser, mais on avance tout doucement.
Nos problèmes actuels sont :
- Une pièce du moteur d'annexe a pris de l'eau de mer pendant la traversée. Elle s'est grippée, nous empéchant d'utiliser le moteur. Il a fallu la couper en 4 pour la sortir. Un copain (à nouveau, nous avons la chance d'avoir pas mal de bons copains sur Tahiti), nous a envoyé la pièce depuis Tahiti, récupéré hier à l'aéroport, mais c'est pas la bonne ! On attend des nouvelles d'une nouvelle pièce.
- Un joint de 7mm du compresseur de plongée que des copains (encore !) nous ont envoyé depuis Tahiti par fret bateau à lâché, empéchant sa pression de monter au dessus de 100 bars... Un autre copain (!) nous envoit d'ici quelques jours un joint de remplacement
- Une de nos bouteilles de plongée refuse de se laisser emplir. Après démontage du robinet, c'est pareil... En l'absence de service technique dans les parages, il faut qu'on trouve une autre bouteille pour pouvoir profiter des Tuamotu...
Voilà pourquoi nous traînons sur Hiva Oa. Ici, il y a l'aéroport, l'internet, le téléphone... On peut éspérer avancer sur nos problèmes. Nous avons rendez-vous aux Tuamotu avec des copains le 26 juin, donc départ des Marquises maximum le 20, on doit régler tout ça, car pas question de ne pas avoir aux Tuamotus, de moteur d'annexe, de Grand Voile, de bouteille et de compresseur... Le reste des petits bricolages pouvant attendre.
Du coup, on est obligé d'enchaîner les soirées avec les copains de mouillage, les enfants qui sortent en bande... dur dur.
Lundi 6 Juin
Désolé du peu de nouvelles ces jours-ci, mais nous sommes dans un rythme bien diffèrent de celui de la traversée, ou il était simple, chaque soir, de se poser pour écrire la nouvelle du jour.
A Atuona, notre rythme reste soutenu. Tout d'abord car nos amis Gaby et Félicienne s'occupe bien de nous. Il y a deux jours, ils nous ont emmenés à un spectacle de danses de l'école du village. Bon, dire qu'on est transcendé par l'élégance de ces jeunes filles de 12 ans dansant maladroitement le tamuré, ou par ces mères de familles ayant visiblement subies des grossesses multiples qui chaloupent langoureusement sur scène serait mentir, mais c'est un grand bonheur de retrouver cette simplicité, cette spontanéité, cette générosité qui est monnaie courante aux Marquises.
2 jours plus tard, nous poussions en stop jusqu'à la fête paroissiale d'une vallée voisine, pour finir invités à manger à la table du maire, puis entouré par les joueuses de bingo fumeuses de cigarettes roulées, qui hurlent les numéros sortis en roulant les R comme seuls les Polynésiens savent le faire.
Brel disait que le temps s'était arrêté aux Marquises, mais c'est incroyablement vrai. Nous retrouvons la même joie de vivre qu'à notre premier passage il y a 6 ans. Seule différence, la présence sur l'île de 2 hummers, n'importe quoi !
Nos problèmes techniques se règlent doucement, nous commandons des pièces, nous en réparons d'autres... Idéalement, nous devrions démâter pour réparer notre rail abîmé... on verra ça un peu plus tard !
Les enfants ont trouvés de nouveaux amis sur 2 catas voisins, ils nagent dans le bonheur. Ca hurle, ça coure, ça rebondit, ça dévore des glaces, bref, ça vit !
Jeudi 2 Juin
Ouf, ça y est, on se pose doucement... Arrivée un peu fatigante, premières journées un peu épuisantes, mais on se met doucement au rythme, et retrouvons vite les habitudes polynésiennes... Même la pluie se calme, un peu, on alors on voit moins les gouttes.
En revanche, les problèmes sur le bateau se multiplient. Le souci sur le chariot ne sera pas si facile que cela à régler, puisque les chariots sont abîmés, et le rail aussi... On tape à toutes les portes pour tâcher de se faire envoyer ce qu'il faut de France au plus vite.
Bon, le moteur d'annexe a décidé de casser un axe... Enfin disons que Matthieu l'a un peu aidé... Évidemment, un axe grippé, ça énerve, et après avoir maintes fois tenté la méthode douce, dégrippant et détente Ayurveda, on finit par utiliser la persuasion à la force brute, et forcément, le chêne ne plie pas sous la tempête, et casse... Nous voilà avec une autre pièce à dégoter...
Bon, ça, ce sont les mauvaises choses, mais parlons quand même de nos retrouvailles avec Gaby et Félicienne, ex partenaires du temps de iaoranet, qui ont une pension qui domine le port, et qui nous ont vite adoptés. On est déjà couvert de pamplemousses, de bananes, de pommes Cythère, invités à dîner, à se balader... enfin les Marquises quoi !
Donc, rail cassé ou axe tordu, c'est le bonheur.
Mardi 31 Mai
Et hop, c'est fait, après 19 jours de traversée, l'ancre est posée en baie de Tahauku sur l'île d'Hiva Oa. Pour nous, c'est énormément d'émotion, de revenir ici 6 ans après notre dernier passage. La vision de cette île magnifique au lever du soleil, un grand bonheur.
Par contre, c'est le défaut des arrivées en début de journée, c'est qu'on a pas le temps de se reposer. Le programme était de trouver une glace pour les enfants. Mais le village est à quelques kilomètres du mouillage, ca veut donc dire remontage des vélos, transport de tout ça à terre à la rame (le moteur d'annexe refuse de démarrer, il aime pas le grand sud), puis hop hop, direction le village.
Mais les Marquises, c'est joli, c'est le pays de Brel, mais c'est pas trop ambiance "Ce plat pays qui est le mien" ! Pas con le Brel, ici, il faisait pas du vélo, mais de l'avion... Quand à nos mollets, ça fait 3 semaines qu'ils se complaisent dans une tranquille léthargie. Donc quand vous enfourchez un vélo avec un enfant de 20 kilos sur le siège arrière, un autre de 6 kilos sur le ventre, un sac à dos, et des mollets de grand-mère de 97 ans pour entraîner une chaîne qui exhibe fièrement ses 3 semaines de rouille, vous dégustez un poil! On l'a senti passer la balade en vélo! Ah, et oui, tout ça s'est passé sous la pluie, car la saison des pluies, qui est en Juillet ici, fait ce qu'elle veut, et que là, elle est venue en Mai. Bref, ce soir, c'est dodo au calme pour tout le monde, on l'a bien mérité. Ha oui, j'oubliais, la glace était délicieuse.