LA TRAVERSEE DU PACIFIQUE (GALAPAGOS-MARQUISES) |
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500 ans après Magellan, avec, pour seule assistance, 2 GPS, une balise satellite de détresse, des boîtes de conserves pour 1 an, des cartes électroniques du monde entier, 2 ordinateurs, 2 pilotes automatiques, un frigidaire, 1 four, 2 feux à gaz, 1 radar, une radio longue portée, les e-mails à bord avec réception de cartes météo, un dessalinisateur, un radeau de survie, 1 moteur neuf, des panneaux solaires, une éolienne, mais seulement 2 mâts, et 5 voiles, soit beaucoup moins que lui, c’est bien, comme vous le constatez, sous-équipés, que nous avons risqué nos vies sur l'Océan Pacifique. On en rigole, mais soyons réalistes, traverser le Pacifique dans un bateau comme le nôtre est bien moins dangereux que de faire de la moto sur le périphérique Parisien. Certes, il s'agit quand même de 3000 miles, soit près de 6000 km, éloignés de toute terre, mais bien préparés, c'est une longue promenade. Et ce le fut pour nous. Une promenade fatigante, mais tout de même sans grand problème. Le vent, léger les 2 premiers jours, s'est levé pour se stabiliser entre 20 et 25 nœuds, au grand largue, ce qui nous a permis de naviguer sous spi et grand voile, faisant des moyennes quotidiennes de plus de 180 miles, et des pointes maximum à 9,7 nœuds. Et ceci 3 jours durant, ce qui nous a épuisé, mettant notre moral bien à plat. Le bateau avançait très vite, et la mer était très agitée, nous roulant sans cesse, et nous secouant dans tous les sens. Faire la moindre chose (cuisiner, se brosser les dents, dormir, se curer le nez...) devenait très difficile. Nous en avons profité pour lire beaucoup, calés entre des coussins, et prendre plaisir à noter notre position évoluant rapidement sur la carte. Heureusement, au bout de quelques jours de ce traitement, le vent s'est calmé, vers les 15/20 nœuds, et nous avons alors passés une dizaine de jours sous spinnaker. Les moyennes quotidiennes ont diminuées, mais au moins, nous avons pu revivre un petit peu plus normalement. La plupart du temps étant consacré à de la lecture (nous avons du lire une quarantaine de livres à nous deux), ainsi qu'à de petites mais constantes réparations, à la pêche (le moindre poisson péché dans ces mers vous nourri au moins 4 jours)... enfin à pas grand chose quoi ! Nos quarts de nuit se résumaient à l'un de nous deux qui dort, et l'autre qui, dans le carré, somnole en se mettant le réveil toutes les 30 minutes, et s'occupant du réglage des voiles, de la surveillance des grains et d'éventuels autres bateaux (2 thoniers japonais et 2 voiliers en 3 semaines, ce qui ne fait pas beaucoup de monde). Seul souci récurant, notre drisse de spinnaker (la corde qui maintient la voile en tête de mât), qui frottait contre sa poulie, et qui usait très vite le cordage. Ceci nous a valu de faire tomber le spi à l'eau 2 fois, mais contrairement à la fin de la traversée de l'Atlantique, ou la même mésaventure avait causé la perte complète du spi, nous avons pu, cette fois, le ramener à bord sans déchirure. Par contre, remonter au mât pour repasser la drisse dans la poulie était une autre affaire ! Dans cette mer hachée, Matthieu, accroché à son mât, se faisait secouer comme à la fête foraine. D'autant que l'une des fois, il lui a fallu monter au haut du mât sans sécurité sur le dernier tiers, en absence de corde à utiliser pour s'accrocher. Il ne faisait pas trop le fier, la moindre chute de ces 12 mètres pouvant être fatale, et Soizic pleurant d'émotion et de peur en bas du mât... Nous étions en contact chaque matin avec plusieurs bateaux (une vingtaine), en train de traverser, et utilisant tous un horaire et une fréquence radio communs pour donner leur position et leur météo. Ainsi, en cas de silence de l'un d'eux durant plusieurs jours, des recherches pouvaient être lancées. Ce contact quotidien rassure, juste au cas ou... Nous étions également en contact avec 2 autres bateaux français partis un peu avant nous. L'un d'eux, Coyotte, (que vous trouverez en page rencontres), à d'ailleurs, à 3 jours de l'arrivée, heurté un globycéphale (sorte de gros dauphin/petite baleine), qui a cassé son safran en deux, tordu comme de la pâte à modeler l'une des pales de son hélice, et explosé son vérin de pilote automatique ! Pas de voie d'eau, mais au cas ou, ils nous ont demandés de les rejoindre, et de finir la traversée avec eux. Etant de toutes façons à 1/2 journée derrière eux, nous les avons vite retrouvés. Les 2 derniers jours de traversée se sont fait dans un vent très très léger, restant toujours en contact visuel avec Coyotte, et bien sûr, en contact radio toute les 6 heures. Mais tout s'est bien terminé pour eux, et c'est au petit matin que nous sommes arrivés en même temps, et avec beaucoup d'émotion, dans l'anse de Hane, sur l'île de Ua Huka, aux Marquises. Le jour se levait alors que nous pénétrions dans la baie, nous découvrant le paysage, et levant le puissant parfum des multiples fleurs. Puis, c’est le petit village (25 maisons) qui se dévoile à nous, encaissé entre les hautes montagnes qui l’entoure, couvertes d’épaisse végétation. Quelques jeunes s’entraînent déjà à la pirogue à balancier, les coqs gaulois nous souhaitent la bienvenue, les chevaux et les chèvres sauvages gambadent à droite à gauche… ça y est, nous sommes aux Marquises !
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