le film !
15 minutes
14 megas
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Nous
y voilà, dans cet archipel du bout du monde, chanté par
certains, peint par d'autres, mais par tous, encensé. D'autres
nous avaient assuré que nous n'y trouverions pas le paradis attendu,
désormais pourri par les méfaits du passage de tant d'explorateurs,
de missionnaires, de vendeurs d'antennes satellites...
En ce début du 21ème siècle, les voiliers passant
par les Marquises sont nombreux, et il existe, par exemple, une course
rally, tous les 4 ans, durant laquelle 300 bateaux arrivent en même
temps des Etats-Unis. Heureusement, la plupart des voiliers débarquant
aux Marquises le font à Fatu Hiva, l'île du Sud, et ne
s'écartent que peu des routes classiques.
C'est pourquoi nous avons décidé de prendre les Marquises
à revers, c'est à dire, à l'inverse des voiliers,
(et du vent malheureusement !), nous avons débuté par
le Nord, pour terminer par le Sud.
Notre première escale fut la baie d'Hane, sur l'île de
Ua Huka. Dans les récits du bon vieux temps, à peine l'ancre
posée, la vallée entière se précipitait
dans les pirogues, alignées sur la plage, et ramaient au plus
vite aux bateaux, offrant de pleines brassées de fruits, légumes
et femmes...
Ca n'est malheureusement plus le cas aujourd'hui, du moins pour les
femmes. De plus, arrivant un Dimanche, c'est une vallée endormie
que nous avons découverte. Mais quelle beauté ! Quelle
ambiance que ce petit village, blotti dans sa vallée couverte
de cocotiers. Tout semble immense, et pourtant, si petit. Et des fleurs,
partout, des oiseaux, des sternes blancs, qui parsèment le bleu
du ciel. Après quelques pas dans le village a lieu notre première
rencontre marquisienne : Denis et Marie-Roselyne nous appellent pour
venir prendre un verre sur leur terrasse. Très accueillants,
ce sera une première rencontre magique : tout l'amour de l'accueil
que possèdent les Polynésiens. C'est simple, il est impossible
de les retenir de nous couvrir de cadeaux. Nous repartirons de chez
eux avec 10 pamplemousses, un régime de bananes, du pain maison,
des gâteaux secs, une pâte de chèvre (tuée
la veille par Denis, la montagne en fourmille), du vinaigre de bananes
(hé oui, il y en a trop, ici, de la banane, on en fait n'importe
quoi), de la confiture de goyave... enfin un échantillonnage
complet de ce que la nature exubérante a de plus beau à
offrir. Et bien évidemment "vous venez manger demain soir
!". Bein ma foi, évidemment ! Incroyable, et ce sera la
même chose à quasi chacune de nos rencontres sur ces îles,
une générosité à laquelle nous ne sommes
pas habitués. C'est le masque de bois, offert par ci, le linge
que l'on nous propose de nous laver, les fruits qui tombent du ciel,
le repas offert parce qu'on nous voit rentrer un peu tard d'une marche,
la pirogue que l'on nous prête, juste parce qu'on s'y intéresse,
le stop, qui fait s'arrêter chaque voiture, sans avoir à
lever le moindre pouce, enfin une générosité qui
est toute naturelle, et qui fait incroyablement chaud au cœur.
Comment avons nous pu vivre aussi longtemps sans offrir la moindre part
de gâteau à notre voisin du dessous, en laissant souvent
l'auto stoppeur moisir sur le bord de la route, en laissant l'étranger
se morfondre lors de sa découverte de notre chez nous ?…
Et pourtant, ils ne vivent pas dans le luxe, loin de là, mais
ce qu'ils ont leur suffit, et la nature est si prodigue que la pauvreté
n'existe pas par ici. Et la richesse est de toutes façons dans
les cœurs. Certes, la France financent énormément
de choses ici. Le terrain de basket flambant neuf dans un village de
150 habitants; la salle des fêtes, vierge de toute fête;
la mairie qui s'agrandit, toute neuve, car 600 personnes à gérer,
cela devient énorme, et puis l'ancienne à déjà
10 ans... tout cela choque un peu. Mais nous leur avons apporté
la "civilisation", nos missionnaires sont venus tuer leur
culture, le capitalisme est à leurs portes, les poussant à
se nourrir de chips, et à engraisser devant la télé,
alors on peut bien se faire pardonner en améliorant leurs conditions
de vie.
Les sources de revenus ne sont pas très variées aux Marquises
: le coprah (la pulpe séchée de la noix de coco) en est
la principale. Mais ça ne se récolte pas comme le blé
de nos plaines françaises ! Il faut aller dans la montagne, accompagné
de sa mule (les chanceux ont le 4x4), se faire dévorer quelques
heures par les moustiques, à découper à la machette
les noix de coco pour en décoller la pulpe, que l'on entasse
dans des sacs de 50kg. une fois séché au soleil, le coprah
est racheté par les goélettes de passage, qui font la
liaison avec Tahiti. Subventionné par le territoire, à
50cts d'euros le kilo, on ne fait pas fortune avec le coprah, mais on
se paye le gros 4x4, la télé et le DVD, qui sont les seuls
luxes marquisiens.
Lassés par le coprah, beaucoup se convertissent au noni. Ce fruit
endémique de Polynésie contient une substance qui, une
fois retraitée, raffermit la peau des vieilles américaines.
Imaginez le succès ! Une firme US à le monopole de l'achat,
et à 75cts d'euros le kilo, ce fruit qu'il suffit de ramasser
dans l'arbre est beaucoup plus séduisant que le coprah. Aussi
voyons nous fleurir partout aux Marquises des plantations de nonis,
sagement alignés là ou il y a encore peu de temps, poussait
une jungle inextricable.
Nous passerons à Hane et Hokatu, le village voisin, 3 merveilleuses
semaines. Pourtant, le mouillage est extrêmement rouleur, et la
descente à terre en annexe, au milieu des rouleaux, est très
périlleuse. Mais ce sont sans aucun doute ces obstacles, qui,
faisant fuir les voiliers, permettent aux habitants de conserver un
vrai désir de rencontre avec le visiteur. Nous y sommes revenus
quand la mère de Matthieu est venu nous voir, nous y avons fait
de belles séances de cinéma, nous y avons troqué
énormément d'art marquisien (les sculptures sur bois sont
ici de toute beauté), et nous n'y avons rencontré que
sourires et joie de vivre.
Mais il était temps de pointer vers Nuku Hiva, l’île
principale du groupe Nord des Marquises, où Nicole, la mère
de Matthieu, nous rejoignait pour 15 jours. Les marquises sont si isolées
et les routes sont souvent si mauvaises qu’elle a dû prendre
l’hélicoptère entre l’aéroport et le
village. En effet, l’île est si montagneuse que le seul
endroit assez plat pour une piste est à l’opposé!
Oh, c’est quoi, 10 minutes d’hélico après
un vol Paris-Taïwan-Séoul-Sydney-Auckland-Papeete-nuku Hiva
? Nous lui avions préparé un petit programme relaxation
marquisien, avec au programme : tour de Nuku Hiva à la voile,
avec des arrêts dans de très jolies baies, et randonnée
en montagne à chaque fois. Chacune de ces vallées cache
au moins une merveilleuse cascade, dans laquelle un petit bain est le
bienvenu après la marche.
Un grand moment de ce tour de l’île fut notre rencontre
avec les dauphins d’Electre. On nous avait prévenu qu’ils
se retrouvaient au large du Cap Tikapo, chaque matin, pour se reposer,
en larges groupes de 100 à 400. Nous les avons attendu 1h30,
traçant des 8 au large de la côte. Alors que nous allions
partir, ils sont apparus soudainement autour du bateau. Tranquilles,
contrairement aux dauphins qui ont l’habitude de sauter devant
l’étrave, ceux ci semblaient sortir la tête de l’eau
pour nous regarder. Nous n’avons pas hésité longtemps
avant de sauter à l’eau les rejoindre. Quel bonheur. Nous
nagions au milieu d’eux, légèrement effrayés
par nous, mais restant autour du bateau. Vous trouverez les images de
cette rencontre dans le film des Marquises, vivement conseillé.
Nous n’avons pas résisté à retourner sur
Ua Huka, présenter Nicole à nos amis. Ce fut aussi l’occasion
de faire une longue randonnée à cheval, 11 heures durant,
afin de nous rendre à un ancien village perdu dans la montagne.
Les ruines qui s’y trouvent n’ont été vues
que par très peu de personnes, dont une seule expédition
archéologique. Une fois sur place, après avoir progressé
à la machette (pas facile à cheval !), nous avons cherché
sur les blocs de pierre des pétroglyphes, découvrant d’émouvants
témoignages du passé : une pirogue, une pieuvre, des tikis
(représentation de l’homme)… Les 7 membres de l’expédition
qui étaient venus relever les pétroglyphes sont, d’après
la légende, tous tombés malades, sauf un, qui avait refusé
d’y toucher… c’est donc avec une légère
appréhension que nous avons quitté le site !
Une fois Nicole redéposée à Nuku Hiva, pour son
retour à la civilisation, nous nous sommes rendus à Ua
Pou, pour y passer les fêtes de Juillet. Juillet, en Polynésie
(Heiva), est en effet un mois où chaque village se transforme,
et s’anime au rythme des danses, des chants, des courses de pirogues,
des concours de paniers de fruits, de bouquets de fleurs, des plus gros
régimes de bananes, d’ignames… C’est le seul
mois de l’année où les villages s’animent
vraiment, construisant une ou plusieurs baraques au centre du village,
où les habitants viennent grignoter, boire, et faire la fête.
Nous avons vécu ce mois à Hakahetau, tout petit village,
où nous sommes restés 3 semaines. Les enfants du village
nous ont adoptés, et nous faisions partie intégrante du
village. Les soirs de fête, les jeunes faisaient la queue pour
danser avec Soizic, après avoir demandé la permission
à Matthieu quand même ! Nous avons également participé
à la course de pirogues contre les jeunes locaux, en montant
une équipe franco italienne avec Alfredo, d’un bateau de
passage. Nous avons été ridicules contre les hommes (pourtant
seuls dans leur pirogue, eux, mais qui s’entraînent 2 heures
tous les soirs !), mais avons brillamment réussi à écraser
les femmes (seules, heureusement, dans leur pirogue). Nous sommes partis
de Hakahetau les larmes aux yeux, tant, une fois de plus, l’accueil
qui nous fut réservé ici fut fantastique
La traversée vers Tahuata fut éprouvante, 35 nœuds
de vent dans le nez, à tirer des bords sous la pluie et les embruns.
Nous sommes arrivés cassés, mais, pour Matthieu, bien
décidé à se faire tatouer par Fati, un tatoueur
local. Celui ci nous a laisser consulter de nombreux livres de tatouages
marquisiens, recensant des motifs anciens, et Matthieu a fait son choix.
Le tatouage est une vraie tradition aux Marquises. Ces îles sont
mondialement réputées comme ayant la plus grande richesse
iconographique, et les meilleurs tatoueurs du monde. Il y a encore 200
ans, les hommes étaient tatoués des pieds à la
tête, signe de leur courage. Les femmes, quand à elles,
devaient, par exemple, se faire tatouer les mains avant d’avoir
le droit de préparer le repas pour d’autres personnes.
Ces tatouages étaient chargés de mana, le pouvoir mystique,
qui protégeait ou purifiait. Les curés en ont interdit
la pratique, mais qui a, heureusement, survécue, et est aujourd’hui
en plein essor. Bref, Matthieu se retrouve avec un mollet envoûté,
qui aura nécessité 3 heures de piqûres de guêpes,
un vrai bonheur.
Après un rapide détour par Hiva Hoa, où nous n’avions
malheureusement pas le temps de traîner, nous nous sommes rendus
à Fatu Hiva, l’île la plus Sud de l’archipel.
C’est malheureusement celle-ci qui est choisie comme escale principale
par les nombreux voiliers, à leur arrivée de traversée.
En effet, se trouve sur cette île l’un des plus beaux mouillage
du monde (ou réputé comme tel !), la baie des Vierges.
Celui ça doit son nom aux pics basaltiques qui l’entourent,
comme des verges dressées. Mais les missionnaires ont vite rebaptisé
la baie des « Vierges »… L’effet de cette popularité
se ressent chez la population ! C’est la seule île où
des enfants ont cassé des pièces de notre annexe en jouant
avec, où on a voulu nous échanger des citrons contre une
bouteille de whisky… Les contacts, ici, furent plus difficiles,
plus « commerciaux ». Mais heureusement, comme partout,
il nous a suffit de sortir un peu des sentiers battus pour faire de
belles rencontres. En particulier avec Maeva, qui fabrique, comme beaucoup
de femmes ici, des tapas, morceaux d’écorces mouillés,
mélangés, et frappés longuement, qui forment, au
final, un papier épais sur lequel elles dessinent alors des motifs
de tatouage traditionnels. Ceux ci sont magnifiques, et nous avons craqué
sur quelques uns.
Après 3 mois de découverte, nous avons alors quitté
ce petit bout de France, bien éloigné de chez nous. Un
monde à part, qui reste fidèle aux descriptions enchanteresses
de ses « découvreurs » où la générosité
fait loi, où la tranquillité et la nonchalance suffisent
à profiter des bienfaits de la nature. Un archipel qui a aussi
de nombreux problèmes, des jeunes qui ne veulent pas revenir
après avoir goûté à Tahiti pour leurs études,
d’endettement des familles, de malnutrition des enfants, d’obésité,
de difficulté de l’approvisionnement, d’enclavement
(peu de soins médicaux, pas de lycée…)… la
liste est longue. Mais nous n’en retiendrons que les bons côtés,
qui on rendu cette escale particulièrement enrichissante.
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